Il y a plus d’une dizaine d’années, j’étais parmi les nombreux convives d’une fête, quand tout à coup les cloches d’une église voisine se mirent à sonner. « Cette église est vraiment belle, et elle est immense », dit une invitée. « C’est peut-être une cathédrale? » suggère un autre. « Toi qui es dans le domaine du patrimoine, me dit-on, tu dois savoir ça. C’est quoi, une cathédrale ou une basilique? Quelle est la différence avec une église ordinaire? » Tous les regards se sont tournés vers moi. Et, comble de la honte, j’ai bafouillé n’importe quoi parce que je ne connaissais pas la réponse!
À ma défense, je dirai que je commençais à peine, à l’époque, à m’intéresser plus sérieusement au patrimoine religieux. Quant à ma foi, elle était encore enveloppée d’un gros brouillard. À ce moment, mon orgueil a souffert principalement parce que je n’ai pu faire honneur à ma profession. Maintenant, quand ce souvenir refait surface, je vois surtout la belle occasion manquée d’évangéliser mon prochain, alors que j’étais parmi des gens qui n’avaient que de vagues notions héritées d’un catholicisme culturel, mais qui savaient tout de même se laisser toucher par la beauté et la grandeur d’une église. Pauvre de moi!
Alors voilà : pour faire amende honorable, je veux en toute humilité expliquer ce que j’ai appris depuis à quiconque serait intéressé de l’entendre (enfin, de le lire). Parce que, je m’en rends compte, peu de Québécois savent cela aujourd’hui, et aussi parce qu’on ne sait jamais quelle utilité aura une nouvelle chose apprise… Comme l’affirme le dicton populaire, « mieux vaut se coucher moins niaiseux à soir! » (Attention! Je n’ai pas dit que vous étiez niaiseux si vous ne savez pas ce qu’est une cathédrale, non-non!)
Nomenclature des églises : pas une question de dimensions
Bien que les cathédrales soient souvent de taille imposante, ce ne sont pas leurs dimensions qui leur confèrent ce titre. La cathédrale est le siège de l’évêque d’un diocèse. Le titre vient du mot cathèdre, qui désigne une chaise ou un siège; le mobilier du sanctuaire de cette église comporte d’ailleurs un trône épiscopal, chaise réservée à l’évêque durant les cérémonies. La cathédrale est normalement érigée à proximité de l’évêché, lieu de résidence de l’évêque et de certains prêtres, et constitue l’épicentre du diocèse.
Les basiliques (il y a des basiliques mineures et des basiliques majeures) ont reçu ce titre honorifique du Pape, en raison de leur importance religieuse. Elles abritent souvent des reliques ou les restes d’un saint (par exemple, la basilique Sainte-Anne de Varennes, où est inhumée sainte Marguerite D’Youville) ou sont des lieux de pèlerinage importants (comme la basilique Sainte-Anne-de-Beaupré). Le titre peut aussi être accordé à une église pour ses valeurs historique et artistique. Une église peut donc à la fois être une cathédrale ET une basilique, comme la basilique-cathédrale Marie-Reine-du-Monde à Montréal.
La désignation de chapelle a de multiples significations possibles, mais aujourd’hui, elle réfère surtout à un lieu de culte autre qu’une église paroissiale (comme les chapelles des couvents ou des monastères), ou à un lieu de culte privé (par exemple dans un hôpital ou un collège, ou une chapelle funéraire familiale érigée dans un cimetière). On désigne aussi par ce nom les petits espaces aménagés dans le transept ou derrière le chœur d’une église, et servant à une dévotion particulière (chapelle du Sacré-Cœur, chapelle mariale, etc.).
Il y a aussi les églises abbatiales situées dans des abbayes, et les oratoires qui sont tout simplement des lieux destinés à la prière, publics ou privés, et de grandeur variable. Les sanctuaires, littéralement « lieux saints », sont des églises liées au culte d’un saint en particulier, et souvent des lieux de pèlerinage (sanctuaire Notre-Dame-du-Cap et sanctuaire du Bon Père Frédéric à Trois-Rivières, par exemple). Avec ceci, je pense avoir fait le tour des types de lieux de culte que l’on retrouve au Québec aujourd’hui.
Titres des clercs : qu’est-ce qu’un abbé, un Père, un curé?
Les désignations des membres du clergé portent aussi souvent à confusion, d’autant plus que les usages semblent assez flous à ce sujet, en tout cas au Québec. Rares sont les prêtres qui portent même le col romain (ce qui est dommage, mais ça c’est une autre histoire), alors pour ce qui est d’un titre… On entend le plus souvent les gens les appeler par leur prénom!
Si le mot « curé » en est venu à désigner n’importe quel prêtre dans le langage courant, à la base il désigne les prêtres chargés d’administrer une paroisse. Aujourd’hui, on n’utilise quasiment plus ce mot (par ailleurs devenu presque péjoratif au Québec), et d’autres titres ont fait leur apparition pour nommer l’immense charge des prêtres actuels, devenus « modérateurs » de méga-paroisses.
Les prêtres que l’on appelle « Père » sont membres d’un ordre religieux[1] (par exemple les Dominicains, les Oblats de Marie-Immaculée, les Franciscains, etc.), alors que les religieux qui ne sont pas prêtres sont appelés frères (et les religieuses, sœurs ou mères). Les prêtres diocésains, eux, peuvent être appelés abbé ou vicaire (prêtre qui aide et remplace un curé). Ce qui est un peu drôle, c’est que le mot abbé vient de abba en hébreux, qui signifie père…
Les prêtres desservant des institutions (hôpital, prison, collège), des groupes ou des communautés religieuses – par exemple un prêtre chargé des services religieux chez les Ursulines – sont traditionnellement appelés aumôniers (et anciennement, chapelains), même si ce terme tend à devenir plus rare, à l’ère des « intervenants en soins spirituels ».
Les chanoines font partie d’un collège de prêtres, ou chapitre, souvent rattaché à une cathédrale, et sont chargés de fonctions liturgiques solennelles (par exemple la liturgie des heures).
L’appellation « Monseigneur » revient le plus souvent à un évêque, mais peut être décerné à un prêtre par le Pape comme titre honorifique; on parle alors d’un prélat d’honneur.
Par ailleurs, les évêques, successeurs des douze apôtres de Jésus Christ et nommés par le Pape, sont les « premiers prêtres », en quelque sorte. Ils choisissent le plus souvent d’être aidés dans leur charge par des prêtres, qu’ils peuvent ordonner eux-mêmes par l’imposition des mains (sacrement de l’Ordre). Les diacres permanents, très présents dans l’Église primitive et que l’on voit de plus en plus dans l’Église d’aujourd’hui, sont des laïcs destinés au service en Église et qui secondent les prêtres dans certaines fonctions, sociales ou liturgiques. Ils sont ordonnés par l’évêque pour exercer ce ministère, mais à la différence des prêtres, ils peuvent être mariés et ont une vie dans le monde, un emploi, etc. Je ne sais pas comment on appelle un diacre (« monsieur le diacre? »); celui que je connais s’appelle Sylvain, et on l’appelle Sylvain!
Je termine ici ce modeste exposé, que je ne souhaitais pas exhaustif, afin de ne pas assommer mon petit lectorat. Même si je pense être demeurée dans le thème de notre héritage catholique, je promets un sujet plus « patrimonial » la prochaine fois!
[1] Dans les diverses communautés religieuses, celui qui exerce l’autorité prend différents noms. C’est ainsi que chez les Bénédictins, celui qui est à la tête est dénommé Abbé ou Père Abbé; chez les Bénédictines: Abbesse ou Mère Abbesse. Les Dominicains ont pour responsable un Prieur, les Franciscains et les Capucins, un Gardien, etc.
2 Commentaires
Marthe Lacourcière
23 novembre 2024 à 2 h 12 minMerci pour cet exposé. Je vous lis dans la revue Le Verbe et c’est tout aussi intéressant.
Agathe Chiasson-Leblanc
23 novembre 2024 à 14 h 08 minMerci beaucoup pour vos bons commentaires! 🙂