Sanctuaires et pèlerinages

Visite au berceau de l’Église d’Amérique

Ça me paraît incroyable aujourd’hui, mais pendant mes études, j’ai vécu à Québec sans jamais mettre les pieds dans une église (sauf pour assister à un concert). Maintenant, c’est en pèlerine que je revisite la Vieille capitale – un morceau à la fois. Même s’il existe des parcours permettant de visiter le tombeau de plusieurs pionniers de l’Église canadienne (sainte Marie de l’Incarnation, bienheureuse Marie-Catherine de Saint-Augustin, les Saints Martyrs canadiens), je préfère prendre le temps de savourer une à la fois ces substantielles tranches d’histoire et de sainteté. Et ça me donne une raison d’y aller plus souvent!

Récemment, des amis m’ont donné l’idée d’aller « passer la Porte sainte » à la basilique-cathédrale Notre-Dame-de-Québec. Si Québec est célèbre pour ses portes (portes Saint-Jean, Saint-Louis…), je dois dire que je ne connaissais pas celle-là! J’en ai profité, par la même occasion, pour visiter cette église, haut lieu de la catholicité nord-américaine, et pour prier sur la tombe de saint François de Laval, premier apôtre de notre pays.

La « Notre-Dame-de-Paris » du Canada

On le répète souvent, cette cathédrale est l’un des bâtiments les plus modifiés dans l’histoire de l’architecture québécoise. D’abord petite église de mission érigée par les Jésuites en 1647, elle devient la première église paroissiale de Nouvelle-France en 1664 avec l’érection canonique de la paroisse de Québec. Elle accède ensuite au rang de cathédrale en 1674 avec la création du diocèse de Québec, premier diocèse catholique en Amérique (au nord du Mexique).

Pour s’adapter à tous ces usages et à l’augmentation du nombre de fidèles, l’édifice a été agrandi à maintes reprises, par tous les côtés, et par une panoplie d’architectes et d’artisans renommés : l’ingénieur du roi Gaspard-Joseph Chaussegros de Léry et toute la dynastie des Baillairgé, pour n’en nommer que quelques-uns. Bombardée en 1759 lors du siège de Québec, l’église est reconstruite. De nombreuses sources s’attardent à décrire de façon plus exhaustive l’évolution historique et architecturale du bâtiment, que je ne reprendrai pas en détail ici.

Au moment où le bâtiment atteint son état le plus achevé et le plus grandiose, il est ravagé par les flammes dans un terrible incendie en 1922. Il ne reste que la maçonnerie. Un grand chantier est mis sur pied pour sa reconstruction, qui sera réalisée de 1923 à 1930 avec la collaboration de plusieurs architectes, dont le Français Maxime Roisin et le Québécois Raoul Chênevert. Les photographies d’époque permettent aux constructeurs de recréer minutieusement les éléments importants du décor, dont le maître-autel, la chaire, le banc d’œuvre, le trône épiscopal et l’époustouflant baldaquin de François Baillairgé. Cette œuvre, conçue après la Conquête anglaise, voulait redonner espérance aux fidèles avec son Christ en gloire et sa forme de demi-couronne qui nous rappellent que le Christ est notre roi.

 

On pourrait être tenté, en considérant ces reconstitutions, de lever le nez sur ces chefs-d’œuvre en se disant que ce ne sont pas des authentiques, mais des copies. Alors que fallait-il faire, laisser périr dans l’oubli ce décor qui a vu naître l’Église d’Amérique en créant du neuf? L’incendie de Notre-Dame de Québec a ébranlé le monde catholique bien au-delà de nos frontières. Même le pape Pie XI a contribué financièrement à sa reconstruction. C’est notre « Notre-Dame de Paris », en quelque sorte! Laissons-nous donc émouvoir par ces merveilles de l’art et de l’architecture, qui nous disent aussi l’histoire des lieux.

Saint François de Laval, priez pour l’Église du Québec!

À droite de la nef, se trouve le gisant du premier évêque de Québec, sous lequel il est enterré. Sur le marbre noir du sol est gravée une mappemonde illustrant l’immense territoire de son diocèse à ses débuts : en gros, l’Amérique du Nord, de Terre-Neuve à la Louisiane, moins les colonies anglaises. Un territoire dont il a fait l’expérience dans sa chair, parcourant des milles et des milles en raquettes, en canot, à pied, pour aller conférer les sacrements, pour encourager les colons, pour visiter les Autochtones – qu’il a défendu avec courage contre ceux qui les exploitaient.

Chaque fois que je lis sur la vie de ce grand saint,  je ne peux m’empêcher de penser à cet ovni littéraire de l’écrivaine américaine Willa Cather, le roman historique Shadows on the Rock, qui compte François de Laval parmi ses personnages principaux. On saisit bien, dans ce livre, la charité incommensurable et l’abnégation dont faisait preuve cet apôtre intrépide, de même que le respect qu’inspirait à ses contemporains Monseigneur l’Ancien (tel qu’il était appelé à la fin de sa vie, alors qu’il avait dû laisser la place à Monseigneur de Saint-Vallier).

 

Mais pour se familiariser avec la vie du personnage, il faut visiter la salle aménagée par le Centre d’animation François de Laval dans l’ancienne chapelle Sainte Famille, à droite du chœur de la cathédrale. Une projection numérique, très bien faite, et des panneaux d’interprétation nous renseignent sur tous les aspects de sa vie et de son apostolat. En bonus, les superbes vitraux de la chapelle représentent les Saints Martyrs canadiens, rarement illustrés dans nos églises.

Nous sommes aussi invités à prier saint François de Laval pour des vocations sacerdotales ici, dans le pays qu’il a évangélisé avec audace et courage; pour la sanctification de nos évêques et pour la consolidation de l’Église canadienne, redevenue presque aussi fragile et précaire qu’à ses débuts… Plus que jamais, nous avons besoin de pasteurs missionnaires de sa trempe!

Une porte spéciale

Qu’est-ce qu’une Porte sainte? C’est une porte spécialement autorisée par le Pape, que les fidèles franchissent dans un esprit de conversion en choisissant la voie montrée par Jésus, lui qui a dit « Moi, je suis la porte. Si quelqu’un entre en passant par moi, il sera sauvé » (Jn, 10, 9). Il n’existe qu’un petit nombre de Portes saintes dans le monde, dont quatre à Rome; celle de Québec est la seule en Amérique. Elle a été ouverte pour la première fois en 2014, pour le 350e anniversaire de la fondation de la paroisse de Québec, puis en 2015 pour le jubilé de la Miséricorde institué par le Pape François. Des centaines de milliers de visiteurs, provenant d’un peu partout, ont franchi la porte durant ces deux années.

Cette année, la porte a été descellée et réouverte dans le cadre du 350e anniversaire de la création du diocèse de Québec. Elle sera refermée le 8 décembre prochain – dépêchez-vous d’y aller! -, mais on dit qu’il y a de bonnes chances qu’elle soit de nouveau accessible en 2025, qui sera une autre année jubilaire.

Conçue par le sculpteur montréalais Jules Lasalle (qui a aussi réalisé le gisant de saint François), la porte en bronze représente Jésus debout, les mains tendues. Une croix lumineuse traverse la porte, symbolisant le caractère immatériel de la foi. Les mains de Jésus sont polies et plus pâles à force d’avoir été touchées par les fidèles. Cette démarche de pèlerin peut être accompagnée, avant ou après, du sacrement du Pardon. Or, aucun prêtre n’est présent à la cathédrale en dehors des heures de messe, ce qui est vraiment déplorable et imprévoyant de la part du diocèse. Lorsque j’y suis allée, il y avait un gros événement dans le Vieux-Québec; des milliers de personnes entouraient la cathédrale, et plusieurs y entraient. Était-ce si difficile d’y placer un prêtre en poste?

Quoi qu’il en soit, juste après avoir traversé la porte, le fidèle peut au moins se réjouir d’être en présence de « nos compatriotes du ciel » : les 26 saints et bienheureux du Canada, dont les reliques sont exposées à la chapelle du Sacré-Cœur. Eux aussi ont suivi le chemin de Jésus et nous ont précédé à la vraie porte du paradis; considérons-les comme exemples.

Je termine ce petit compte-rendu de pèlerinage en vous recopiant cette émouvante prière d’offrande que l’on peut réciter en passant la Porte sainte, et qui montre bien le sens profond de ce geste :

Seigneur,

Je te renouvelle l’offrande de moi-même, de mon cœur, de ma volonté, de mes combats et de toute ma vie. Je mets ma confiance en Toi. Je te donne mon passé pour le purifier, mon présent pour le sanctifier. Je dépose mon avenir en Toi. Je te confie tous les miens. Je n’ai qu’un désir : que ton Esprit ne me quitte pas, que ta main tienne la mienne, jusqu’à ce que je sois dans tes bras.

Amen.

 

 

 

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