Objets du culte / Rites et traditions

L’armoire de sacristie : Les objets sacrés et leur signification (première partie)

Pour les néophytes, pour ceux qui ont oublié, ou tout simplement pour les curieux : voici, en trois parties, une petite présentation des objets et meubles liturgiques les plus importants. À quoi servent-ils? Comment sont-ils faits? À quels rites sont-ils associés? La sacristine fouille dans son armoire pour vous répondre.

Meuble de sacristie

Tout d’abord, quel est le rôle d’une sacristine ou d’un sacristain, et qu’est-ce qu’une armoire de sacristie? Sacristain : « Celui qui a le soin de la sacristie [salle attenante à l’église], qui prépare les objets nécessaires au culte et aux cérémonies, entretient et orne l’église. »[1] Pour la forme féminine du mot, on peut dire sacristaine ou sacristine. Ces personnes connaissent donc sur le bout des doigts tous les objets et vêtements liturgiques, lesquels sont rangés dans le meuble de sacristie, ou armoire de sacristie. Cette gigantesque pièce de mobilier en bois, qui couvre tout un mur et parfois plusieurs, est dotée de multiples tiroirs et armoires où est entreposé tout le nécessaire au culte. J’ai nommé mon blogue La sacristine parce que j’aimais bien l’idée d’une personne qui a soin des trésors de l’église, qui les entretient et les présente au monde (non, je ne suis pas sacristine moi-même…en tout cas pas encore).

Les vases sacrés

Calice et patène. Source : Répertoire du patrimoine culturel du Québec (RPCQ)

 Les vases sacrés sont destinés à recevoir les Saintes Espèces, c’est-à-dire le pain et le vin qui deviendront le corps et le sang du Christ une fois consacrés par le prêtre. C’est avec ces objets que s’accomplit le Saint Sacrifice de la messe; car à chaque messe, Jésus renouvelle le sacrifice de sa vie en s’immolant à nouveau sur l’autel, de façon non sanglante, pour le salut de l’humanité. Le calice, qui contient le vin changé en sang, et le ciboire, qui contient les hosties (pain sans levain) devenues Corps du Christ, sont donc des objets liturgiques de première importance. Et ce n’est pas pour rien que ces mots, avec le tabernacle, ont été choisis par les Québécois pour leurs jurons les plus transgressifs : ce qui est lié au sacrement de l’Eucharistie est ce qui se rapproche le plus de Dieu, en quelque sorte. Prononcer ces mots pour crier sa colère et son impatience est donc une offense à Dieu en premier, et une offense aux fidèles par extension.

Ciboire. Source : RPCQ

Parce qu’ils sont en contact avec le corps du Christ, les vases sacrés sont en métal précieux, or ou argent, et leur intérieur est doré. Ils constituent le plus souvent des œuvres d’orfèvrerie de grande valeur artistique. Ils sont accompagnés de la patène, petit plat rond ou ovale, également doré, où le célébrant pose l’hostie avant et après la consécration. La patène sert aussi à recevoir d’éventuelles miettes d’hosties, notamment quand la communion se fait sur la langue.

À noter que les vases sacrés ainsi que plusieurs objets utilisés dans la liturgie (dont les vêtements sacerdotaux) doivent être consacrés ou bénis avant de servir au culte. En effet, il ne s’agit pas d’accessoires quelconques, mais d’objets sacrés au service du culte, selon les lois édictées par l’autorité de l’Église.

L’ostensoir

Ostensoir

Cet objet que j’ai choisi comme logo de La sacristine était souvent aussi appelé soleil, à cause des rayons qui le caractérisent. Il s’agit d’une pièce d’orfèvrerie servant à exposer l’hostie consacrée (le Saint Sacrement) à l’adoration des fidèles, et sa conception est de fait assez ostentatoire, c’est-à-dire qui attire l’attention. L’hostie est placée à l’intérieur d’un cercle en or protégé d’une vitre (la lunule), lequel est entouré de rayons dorés et de pierreries chatoyantes. Le tout est posé sur un pied, et peut être exposé sur l’autel, ou porté par le prêtre lors de processions. L’ostensoir est un objet précieux qui n’est pas présent en tout temps dans l’église; on le sort lors d’occasions spécifiques, pour l’adoration. Et c’est quoi, l’adoration? Une période de prière et de méditation, en grande partie silencieuse, en présence du Seigneur, parce qu’il est présent devant les fidèles sous la forme de l’hostie consacrée. Beaucoup de gens racontent avoir vécu une conversion ou reçu des grâces extraordinaires lorsqu’ils se sont recueillis devant le Saint Sacrement.

Le maître-autel et son environnement

Maître-autel

 Le maître-autel est la « pièce de résistance » de tout le mobilier liturgique; du moins était-ce le cas avant les réformes de la liturgie post-Vatican II. Sa partie supérieure est constituée du tabernacle, la « maison » du Seigneur, car c’est là qu’on y dépose le ciboire et les hosties consacrées. Le tabernacle est donc une sorte d’armoire en bois ou en métal, mais dans un maître-autel traditionnel il prend des proportions imposantes et devient une pièce architecturée ressemblant à une église en miniature. Il peut être surmonté d’un retable, de reliquaires, de statues, d’un baldaquin, bref de tout ce qui peut accentuer sa monumentalité.

Autel en usage aujourd’hui.

La partie inférieure du maître-autel est la table d’autel, qu’on appelle aussi le tombeau, à cause de sa forme évoquant les anciens tombeaux romains[2] mais aussi parce qu’elle contient des reliques de saints dans la pierre d’autel, au centre. C’est la table sur laquelle s’exécutait le sacrifice de la messe, dans la forme liturgique ancienne. On dit souvent que le prêtre était alors « dos aux fidèles », mais il était surtout face à Dieu…présent dans le tabernacle. Depuis la fin des années 1960, le prêtre célèbre l’Eucharistie face aux fidèles sur une table d’autel placée au centre du sanctuaire. La plupart des églises conservent toutefois leur ancien maître-autel au fond du sanctuaire, puisqu’il s’agit de la pièce clé de toute l’architecture intérieure du lieu de culte. Les autels latéraux, fréquemment assortis au maître-autel, sont placés de part et d’autre du sanctuaire et dédiés à des saints (Marie et Joseph, le plus souvent). Jadis utilisés à l’occasion pour célébrer des messes, ce sont surtout des autels votifs : on vient s’y recueillir pour prier un saint, en allumant l’un des lampions placés devant. Les hosties consacrées sont aussi parfois conservées dans le tabernacle d’un autel latéral.

Lampe du sanctuaire

La lampe du sanctuaire, suspendue au plafond au-dessus du chœur de l’église ou posée à proximité du tabernacle, signale, lorsqu’elle est allumée, la présence d’hosties consacrées à l’intérieur de ce dernier. C’est donc le signe que Dieu est présent dans le sanctuaire, ce pourquoi les fidèles font une génuflexion en passant devant le tabernacle, en signe de révérence. La lampe du sanctuaire est souvent en argent travaillé, et sa lanterne en verre est de couleur rouge.

Balustrade de communion

La balustrade de communion ou clôture de chœur crée une séparation physique et symbolique entre la nef de l’église, où sont assis les fidèles, et le chœur liturgique ou sanctuaire, où est célébrée la messe par le prêtre et où sont conservées les hosties consacrées dans le tabernacle (qui peut être au centre, ou sur le côté). Cette distinction entre espace sacré et espace profane est importante; elle dicte le comportement et les gestes à adopter pour chaque lieu. D’ailleurs, la balustrade est souvent dotée d’un agenouilloir, car c’est là, et face au sanctuaire, que les fidèles communiaient avant les changements adoptés dans les années 1960.

Les ornements liturgiques

On appelle ornements liturgiques l’ensemble des vêtements et des linges, assortis de la même couleur, qui sont utilisés pour la liturgie catholique. Leur couleur varie selon l’époque de l’année (le Temps liturgique) ou selon la fête célébrée, car il existe quatre temps liturgiques correspondant chacun à une couleur :

  • Le blanc est utilisé pour les temps de Pâques et de Noël, ainsi que pour les fêtes de la Vierge Marie et celles de Jésus qui ne sont pas liées à sa Passion. Il est aussi privilégié aujourd’hui pour les funérailles, plutôt que le noir ou le violet de jadis;
  • Le violet marque les temps de pénitence, comme le Carême et l’Avent;
  • Le rouge caractérise les événements liés au sang et au feu: la Passion du Seigneur (notamment le vendredi Saint), les fêtes des martyrs, la Pentecôte (l’Esprit Saint descendant sous la forme de langues de feu);
  • Le vert est la couleur du temps ordinaire. Du latin viridis (« verdoyant »), issu du verbe virere (« être vert, florissant »), le vert est associé à la nature et évoquerait la croissance de l’Église, grâce à la sève venue de Dieu;
  • Le rose est exceptionnellement utilisé pour marquer la joie du 3e dimanche de l’Avent (Gaudete) et au 4e dimanche de Carême (Laetare).

Ornement violet (comprenant entre autres une chasuble et une étole). Source : RPCQ

Cette catégorie d’objets liturgiques comprend une grande variété d’éléments; je nommerai seulement ici les principaux, les plus visibles ou ceux qui sont surtout utilisés de nos jours. La chasuble (portée par-dessus une tunique blanche appelée aube) est une sorte de manteau ouvert sur les côtés; c’est le vêtement sacerdotal porté par le prêtre ou l’évêque[3] pour célébrer la messe. L’étole est une longue bande de tissu portée autour du cou par les membres du clergé pour célébrer tous les sacrements. Ces vêtements peuvent être ornés de motifs, de broderies, de fil d’or ou d’argent. Le voile de tabernacle est comme un petit rideau posé devant la porte du tabernacle, et le parement d’autel est une grande pièce de tissu rectangulaire voilant le devant de la table ou du tombeau d’autel. Ces pièces, quand elles sont anciennes, sont des merveilles d’art textile exécutées par des religieuses au talent prodigieux.

 

Je m’arrête ici pour la première partie de cet exposé. Pour en apprendre davantage, il faudra patienter pour lire la seconde partie, à paraître bientôt. Je vous reviendrai avec d’autres meubles et objets fascinants, que vous pouvez d’ailleurs aller observer vous-mêmes dans une église près de chez vous… Et n’hésitez pas à m’écrire si vous avez des questions!

 

 

[1] https://www.cnrtl.fr/definition/sacristain

[2] Les messes des premiers siècles étaient d’ailleurs célébrées sur les tombeaux des martyrs.

[3] L’évêque porte aussi la mitre (chapeau pointu) et tient la crosse épiscopale (bâton de pasteur).

4 Commentaires

  • Marcel Meunier
    9 février 2023 à 1 h 40 min

    Mme Agathe Chiasson-Leblanc , Bonjour , quelle érudition ! Catholique, vous avez savamment amélioré, ou pour le moins rafraîchi ma connaissance des objets sacrés et autres servants à la liturgie . Merci . Parlant des blasphèmes , vous dites . j’aurais préféré car ce ne sont pas tous les Québécois qui blasphèment , loin de là ! Veuillez, madame, accepter l’expression de mes sentiments distingués, Marcel Meunier

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    • Agathe Chiasson-Leblanc
      9 février 2023 à 14 h 02 min

      Merci monsieur. Je tiens à dire que j’ai aussi bénéficié des connaissances et conseils de mes amis Les Pauvres de Saint-François, très connaisseurs en matière de liturgie, et qui ont eu la gentillesse de relire et corriger mon texte. Au plaisir!

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  • Marcel Meunier
    9 février 2023 à 1 h 50 min

    ……. mon commentaire n’ a pas été rendu correctement ! Parlant des blasphèmes , vous dites . J’aurais préféré . Car ce ne sont pas tous les Québécois qui blasphèment, heureusement !

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  • Girol Didier
    26 février 2023 à 18 h 49 min

    Merci! C’est une trilogie qui devrait être recommandée à tous les convertis, comme étape d’apprentissage. Félicitations! C’est enrichissant et en plus très bien écrit.

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