Art sacré / Sanctuaires et pèlerinages

Deux trésors de la métropole

Je vous présente aujourd’hui deux églises parmi les trésors du patrimoine religieux montréalais : la basilique Notre-Dame et la chapelle Notre-Dame-de-Lourdes. Deux monuments incontournables où l’on peut admirer des chefs-d’œuvre d’art sacré, certes, mais aussi des havres de paix et de prière au sein du tumulte de « la ville aux cent clochers[1] ».

La basilique, emblème du Vieux-Montréal

Photo prise le 4 novembre 2015 (© Louis Bouret/Wikimedia )

Érigé de 1824 à 1830 pour remplacer la vieille église Notre-Dame bâtie au XVIIe siècle, ce lieu de culte est à l’époque de sa construction l’une des plus grandes églises d’Amérique du Nord, et serait la première église de style néo-gothique construite au Canada. Son architecte, James O’Donnell, meurt avant la fin du chantier, et se serait converti au catholicisme durant les travaux; son corps repose dans la crypte, inaccessible aux visiteurs lors de mon passage.

Des miracles de conversion et des miracles de toute sorte, il s’en produit sans doute entre ces murs où tous les saints de Montréal, montrés sous la forme de vitraux, de peintures ou de sculptures, parlent de la gloire de Dieu. Cependant, c’est en raison de son importance historique, religieuse et artistique au cœur de Montréal que l’église a été élevée au rang de basilique mineure en 1982 par saint Jean-Paul II (qui ira la visiter deux ans plus tard, lors de sa venue au pays).

Le décor intérieur époustouflant, inspiré de la Sainte Chapelle de Paris, est plus tardif que la construction de l’extérieur. Il a été conçu dans les années 1870 par Victor Bourgeau, architecte attitré du diocèse de Montréal et auteur des plans de centaines d’églises au Québec. Personnellement, j’apprécie davantage l’atmosphère feutrée, les boiseries flamboyantes et les références à l’histoire montréalaise de ce lieu plutôt que, par exemple, le marbre et le décor à la romaine, plus intimidant, de la cathédrale Marie-Reine-du-Monde (même si cette dernière a aussi sa place parmi les belles églises de la ville). L’impressionnant retable du chœur et ses sculptures sont mis en valeur par un éclairage judicieux; la chaire de 14 mètres de haut, ornée de sculptures de Louis-Philippe Hébert, attire aussi le regard. Les côtés de la nef sont ponctués d’autels votifs (c’est la première fois que je voyais des dispositifs interac  pour payer des lampions : très pratique) et de nombreuses œuvres d’art. Parmi celles-ci, on trouve des œuvres anciennes, tel un grand crucifix sculpté vers 1740 par Paul Jourdain, dit Labrosse, mais aussi des œuvres contemporaines, dont trois très beaux tableaux de Marius Dubois représentant sainte Marguerite Bourgeoys, sainte Marguerite D’Youville et Notre-Dame du Canada.

La chapelle du Sacré-Cœur, où ont lieu les messes quotidiennes, se trouve à l’arrière de l’église; elle est notamment ornée d’un immense retable de Charles Daudelin. La chapelle du Saint-Sacrement, espace vitré du côté droit de la nef, est réservée à ceux qui viennent prier (aucune photo permise, silence obligatoire). Car il faut savoir que la basilique Notre-Dame est un haut lieu du tourisme montréalais, géré comme un musée… avec un prix d’entrée de 15 $. On a beau dire que l’entrée payante sert à financer la conservation et l’entretien de ce beau patrimoine, qu’on y laisse entrer gratuitement les gens qui veulent prier (et pour la messe, naturellement), ceci est une pratique que je trouve inadmissible dans une église catholique, et qui m’avait déjà choquée lors de mon pèlerinage à Midland. Surtout quand on sait que les gens ont tendance à être plus généreux lorsqu’on demande une contribution volontaire, que lorsqu’on les oblige à payer un montant arbitraire dès l’entrée. J’ai d’ailleurs été témoin d’une scène navrante, où des visiteurs ont rebroussé chemin après qu’on leur eut dit au guichet qu’il fallait payer l’entrée, ou revenir à la messe du lendemain matin à 7h30 (sur un ton de plaisanterie)… Toutefois, je tiens quand même à souligner que lors de ma visite, j’ai été touchée par l’attitude respectueuse, presque pieuse, des visiteurs, et par l’atmosphère propice au recueillement. J’ai vu des touristes allumer des lampions, admirer en silence les œuvres, et même prier…comme on fait dans une église, finalement!

 

 

Site web de la basilique : https://www.basiliquenotredame.ca/fr

 

La Vierge dorée qui veille sur le Quartier latin

Source: Wikipédia

Au milieu de l’agitation d’un quartier où se croisent des étudiants, des commerçants, mais aussi beaucoup de sans-abri et de toxicomanes, la chapelle Notre-Dame-de-Lourdes est une oasis spirituelle. La statue dorée qui surmonte le faîte paraît comme une étoile qui nous attire et nous guide à travers la grisaille et la slush de l’hiver montréalais. À l’intérieur, un paradoxe : le décor peint, aux nombreux détails en trompe-l’œil, fait ressembler les lieux à une église monumentale en marbre, alors que la taille modeste du bâtiment ramène le tout à une échelle plus humaine. Ici, pas de touristes, mais des fidèles fervents occupés à réciter le chapelet devant le Saint-Sacrement (régulièrement exposé dans cette chapelle). Il y a aussi toute sorte de monde, des gens de la rue notamment, qui y entrent de temps en temps; c’est ce qui a permis, par exemple, la conversion extraordinaire de l’abbé Claude Paradis, ancien itinérant.

Source : La Compagnie des prêtres de Saint-Sulpice. Chapelle Notre-Dame de Lourdes, Carnet du visiteur. 2018, 32 p.

Cette chapelle a été entièrement conçue par Napoléon Bourassa, l’un des plus grands artistes canadiens-français du XIXe siècle, un créateur comme il ne s’en faisait plus depuis la Renaissance : architecte, peintre, sculpteur, écrivain, critique d’art, professeur… Il a donc conçu à la fois l’architecture du bâtiment et le décor peint, faisant du lieu « un beau et grand album mariologique où toute la décoration intérieure conduit au centre de la coupole, qui illustre la proclamation du dogme de l’Immaculée-Conception »[2]. Bourassa a travaillé pendant huit ans sur ce projet (de 1873 à 1881), et s’est entouré, pour sa réalisation, de plusieurs élèves et apprentis. La chapelle Notre-Dame-de-Lourdes a ainsi fait office d’école ou d’atelier pour plusieurs artistes qui allaient eux-mêmes connaître la renommée plus tard, dont le peintre-décorateur François-Xavier Meloche et le sculpteur Louis-Philippe Hébert. Ce dernier est notamment l’auteur de la statue de Marie qui surmonte l’autel, œuvre qui a immédiatement fait démarrer sa carrière. En effet, alors que les artistes représentaient toujours la Vierge comme une jeune fille, Hébert a choisi de la montrer en belle femme mûre, prenant pour modèle une paroissienne!

En plus d’offrir les services religieux, la chapelle Notre-Dame-de-Lourdes est aussi reliée à diverses œuvres caritatives : soupe populaire, accompagnement des personnes en situation précaire, etc. Pour en savoir plus, je vous invite à visiter leur site web, où il est également possible de télécharger des documents sur l’histoire et les œuvres d’art de la chapelle :

https://cndlm.org/

 

Voilà pour ce premier article sur le patrimoine métropolitain. Il y aura certainement matière à en faire plusieurs autres, puisque l’ancienne Ville-Marie recèle bien des joyaux!

 

 

[1] L’écrivain américain Mark Twain aurait ainsi qualifié la ville lors de son passage à Montréal dans les années 1880.

[2] https://cndlm.org/presentation-de-la-chapelle/

2 Commentaires

  • Isabelle Léveillé
    28 avril 2023 à 14 h 06 min

    Bonjour Agathe,
    Ce qui m’a attiré vers votre site web c’est le mot Sacristine. Étant moi-même sacristine, tout de suite la curiosité m’enveloppa.
    Je trouve la description de vos visites directes et bien nommées. Ce matin, par la visite des églises que vous proposez, j’ai voyagé de belle façon. Vos descriptions ont éveillé ma curiosité.
    Je vous remercie pour l’idée que vous avez de nous instruire sur notre patrimoine religieux au Québec. Et tout cela, chez nous, au Québec.
    Bonne continuité.
    Bel été.

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