Plusieurs écoles du Québec ont porté ou portent encore le nom de saints ou de saintes. Mon école primaire, aujourd’hui disparue, s’appelait Marguerite D’Youville. Dans mon souvenir, on ne parlait jamais à l’école de ce personnage, pourtant canonisé en 1990 alors que je devais être en quatrième année. Avait-on organisé une fête ou une activité spéciale pour souligner cet événement? A-t-on eu droit à un petit cours d’histoire relatant la vie et l’œuvre extraordinaires de cette femme des plus inspirantes?
Il est possible que ma mémoire n’ait pas conservé ce genre de faits, mais pourtant, aimant l’histoire depuis mon jeune âge, il me semble que si on m’avait vraiment parlé de Marguerite D’Youville à l’école, je m’en rappellerais. Hélas, même à cette époque où les écoles étaient encore confessionnelles (c’est-à-dire : offrant des cours de catéchèse extrêmement édulcorés et incluant des prières occasionnelles), les enfants étaient tenus loin des vies de saints. Après avoir littéralement gavé des générations d’écoliers avec des histoires de missionnaires torturés par de méchants indiens (voir mon article sur les Saints Martyrs canadiens), on désirait visiblement passer à autre chose.
Les super-héros
Les enfants ont besoin de super-héros pour susciter leur émerveillement, pour leur donner le courage de surmonter leurs faiblesses, de s’améliorer, de faire le Bien. Mais contrairement aux héros fictifs des bandes dessinées et des films de Disney, dotés de pouvoirs ou d’attributs magiques, les saints et les saintes sont des personnes bien réelles et ne sont pas impossibles à imiter. Suivre leurs traces est exigeant, mais ça ne prend presque rien au départ : la foi, l’amour du prochain et de la bonne volonté.
Or, quel genre de modèles présente-t-on aux jeunes aujourd’hui, dans les médias ou à l’école? Vedettes pop aguichantes, militants radicaux (écolos ou wokes), athlètes obsédés par la santé physique et le culte du corps, médecins ou scientifiques travaillant pour l’avancement d’une idéologie, entrepreneurs et humoristes baignant dans l’argent, etc. Quand des exemples d’altruisme leur sont montrés, ils sont évidemment toujours dissociés de la religion.
Même si on se limitait aux saints du Canada, on aurait pourtant une magnifique bande de héros pour inspirer de jeunes esprits allumés, qui ont soif d’intrépidité. Des personnages plus grands que nature, des bâtisseurs de pays, des mères Teresa avant la « vraie », des faiseurs et faiseuses de miracles. Des fondatrices de villes, d’hôpitaux, d’écoles, de communautés religieuses; des gens qui ont risqué leur vie pour soigner des immigrants mourant du typhus dans des sheds, alors que personne ne voulait les approcher; des missionnaires qui ont appris la langue des Autochtones et vécu comme eux, dans leurs cabanes d’écorce; des mystiques qui ont écrit leurs visions; des membres des Premières Nations qui ont été persécutés par les leurs pour leur foi, mais qui ont tenu bon; des femmes qui ont nourri, logé et soigné tous les pauvres de Montréal, qui ont recueilli les enfants abandonnés, ont visité les Patriotes emprisonnés, et j’en passe. Des héros (surtout des héroïnes!) passés mode, dont on ne parle plus.
De bonnes ressources pour commencer
Bien sûr, il est bon de rappeler aux enfants que la sainteté ne consiste pas nécessairement en des gestes éclatants, mais plutôt en l’humilité du cœur; qu’elle se décline en une variété infinie de nuances selon les personnalités et les talents propres à chacun et chacune; que le Bon Dieu a un plan spécifique pour chaque personne et que tout le monde est appelé à la sainteté. Des livres et des vidéos peuvent aider les jeunes à découvrir des exemples de saints inspirants, mais pour cela il faut chercher un peu. Dans un Québec où la spiritualité est quasiment bannie ou se résume à un petit rayon de livres ésotériques chez Renaud-Bray, les livres qui parlent des saints – surtout ceux destinés à un public jeune – sont devenus un produit spécialisé, « niché ». Il faut se déplacer jusqu’aux boutiques des grands sanctuaires comme l’Oratoire Saint-Joseph, ou fouiller sur les sites internet de maisons d’édition catholiques.
Chaque fois que j’en ai l’occasion, j’offre en cadeau à un enfant (cadeau d’anniversaire, mais aussi de baptême ou de confirmation) le bel album intitulé Petit illustré des saints du Canada, publié chez Médiaspaul en 2013. Écrit par Sylvie Bessette et illustré par Francis Back, cet ouvrage est très bien fait et comporte une belle introduction expliquant en quoi consiste la sainteté, en plus de présenter une galerie de personnages importants dans l’histoire de notre pays. Je connais même des jeunes qui ont utilisé le livre pour faire des devoirs dans leur cours d’histoire!
Pour les amateurs de bandes dessinées, Les grands saints en BD , chez Bayard Jeunesse, est un album intéressant. Une quinzaine de saints très connus sont présentés, chacun dans une courte histoire suivie d’une page d’informations plus factuelles.
Mais dans le domaine de la BD, la meilleure source que j’ai trouvée est une série d’albums malheureusement plus éditée aujourd’hui : celle des Grands moments de l’église canadienne, publiée autour des années 1980 par des éditeurs européens mais conçue par les maisons-mères de différentes communautés religieuses. C’est grâce à cette série formidable que j’ai moi-même découvert les nombreuses vénérables et bienheureuses québécoises, souvent méconnues, qui ont fondé des congrégations : Esther Blondin, Aurélie Caouette, Émilie Gamelin, Léonie Paradis, etc. J’ai eu la chance de me faire donner la collection presque entière par des personnes présentes au bon endroit, au bon moment (souvent la fermeture d’églises et de presbytères…). Sinon, on peut toujours se rabattre sur les friperies, où l’on trouve parfois de beaux trésors.
Les jeunes saints
Pour interpeller plus directement les jeunes, quoi de mieux que de leur faire connaître des saints adolescents ou enfants? L’Église universelle en compte plusieurs, dont l’un des plus connus et des plus récents est le bienheureux Carlo Acutis (décédé en 2006 à 15 ans), le « cyber-apôtre » geek de l’informatique. La maison Mame a publié ce livre sur de jeunes saints, dont Acutis, qui semble très bien mais que je n’ai pas encore lu moi-même. L’émouvante histoire d’Anne-Gabrielle Caron mérite également d’être connue comme modèle de courage, de joie et de bonté; le site web dédié à sa cause de canonisation comporte d’ailleurs d’excellentes ressources sur la sainteté des enfants (fiches catéchétiques, activités, présentation de jeunes saints, etc.). Vous trouverez enfin sur internet plusieurs sites, articles et publications diverses sur la vie d’enfants et d’adolescents admirables de sainteté, dont ce petit éventail.
Que vous soyez parent, grand-parent, oncle ou tante, professeur ou tout simplement proche d’un enfant, voilà en tout cas quelques suggestions pour élever les jeunes âmes que vous aimez! Susciter un désir de sainteté chez les plus petits, faire connaître l’histoire de l’Église et de notre nation, montrer les plus beaux accomplissements de l’humanité réalisées par des personnes amies de Dieu : n’est-ce pas un beau programme éducatif?
1 commentaire
fr. Denis, psf
17 avril 2024 à 20 h 13 minTrès bel article.
Personnellement, je prie tous les jours la jeune Antonietta Meo (Nennolina), jeune Italienne vénérable morte à l’âge de 6 ans, que j’ai découverte lors de notre pèlerinage à Rome et Assise en 2019. Elle repose dans une petite pièce attenante à la chapelle des reliques de la Basilique Sainte Croix de Jérusalem, à Rome, où on y retrouve aussi de ses jouets et vêtements, comme si on était dans sa chambre. Très émouvant à voir.